L’art du toucher et ses vertus

L’art du toucher et ses vertus

Aucun mot ne traduit mieux une émotion que la douleur d’une caresse. Le contact peut également soulager une douleur physique ou un inconfort émotionnel, renforcer le système immunitaire voire allonger l’espérance de vie. Longtemps ignorées des scientifiques, les vertus du toucher sont aujourd’hui de plus en plus étudiées parce que vivre implique de toucher et d’être touché.

Définition

Le toucher est l’un de nos cinq sens. Il est étroitement lié à notre peau. C’est également, le premier à se développer au niveau embryonnaire.

Le sens du toucher

Le toucher est sans doute le premier sens à apparaître et le dernier à disparaître. En effet, le système sensoriel tactile se développe très tôt durant la gestation.

Les cellules du tact apparaissent dans la septième semaine d’aménorrhée au niveau de la bouche, de la plante des pieds et de la paume de la main.

A quatorze semaines d’aménorrhée, on observe de très nombreuses cellules réceptrices sur la quasi-totalité de la surface corporelle. Le système cutané se développe jusqu’à trente-quatre semaines d’aménorrhée.

Ce système complexe est composé de plusieurs fibres nerveuses qui permettent de véhiculer les informations à des vitesses différentes. Par exemple, les fibres myélinisées vont transmettre l’information « chaud/froid » très rapidement. D’autres fibres, non recouvertes de myéline (gaine isolante entourant la fibre nerveuse), vont véhiculer le message sensoriel beaucoup plus lentement.

Le toucher est vital

Le toucher nous est aussi indispensable que l’air que nous respirons ou que la nourriture que nous mangeons. Il apaise l’ensemble du corps et réduit les niveaux de stress. De simples stimulations tactiles agissent sur la biochimie du cerveau à l’origine d’effets extrêmement bénéfiques.

Le toucher est un besoin essentiel et vital. C’est au début de la vie que le toucher joue le rôle le plus important. Après la naissance, il stabilise la respiration du nouveau-né, il régule sa température et même son taux de glycémie.

Les contacts physiques lui permettent de percevoir les limites de son corps et de se percevoir en tant qu’individu. S’il en est privé, d’importantes étapes de son développement seront compromises. Les effets de cette privation sont encore visibles chez certains enfants de dix ans. On observe de réelles différences entre les bébés qui sont touchés et eux qui ne l’ont pas été.

Certaines expériences ont été menées auprès de bébés singes. Elles ont clairement montré les conséquences d’une privation de contact :

  • Les bébés singes qui n’ont reçu que de la nourriture, sans aucun contact mouraient au bout de quelques mois. Les survivants présentaient de nombreuses séquelles physiques et mentales : altération de la croissance, immunodépression, altération de la mémoire, diminution du volume de certaines zones cérébrales.
  • Les bébés singes qui avaient eu des contacts étaient en pleine évolution

Le toucher est sécurisant

Toucher autrui et/ou se sentir toucher fait appel à des gestes et des sensations qui soudent les interactions sociales et participent à notre construction identitaire. Le toucher joue un rôle primordial dans le développement de l’enfant.

Les toutes premières caresses sont l’un des premiers moments de notre existence. Il faut savoir qu’à la naissance, un nouveau-né ne voit pas au-delà de 30 centimètres et ne va pas entendre qu’au bout de quatre semaines. C’est, via le toucher, qu’il va découvrir son univers. Le toucher est donc notre manière la plus immédiate d’interagir avec son environnement.

Exemple : le bébé a besoin de contact pour être apaisé. En effet, le nouveau-né n’étant plus protégé par le ventre de sa mère ni le liquide amniotique. C’est par les caresses et la chaleur corporelle qu’il va ressentir la présence de l’autre et l’attention qui lui est accordée.

Les parents, en touchant, en caressant voire en portant l’enfant lui offre de se développer un sentiment d’enveloppe corporelle et de sécurité affective et ce, à travers deux gestes très simples.

  • Porter son enfant est le premier contact entre les parents et l’enfant. Grâce à ce partage, le parent va soutenir le nouveau-né au niveau physique (soutien de la tête, soutien des bras lors de l’apprentissage de la marche) mais également de réaliser un soutien face aux expériences de la vie.

Le deuxième geste est l’attention que le parent porte à l’enfant à travers des soins quotidiens, les échanges de regards, l’interaction verbale et gestuelle.

À travers ces deux gestes, ce sont autant de moments partagés dans la réciprocité qui construisent la relation parent-enfant, soude les liens d’attachement et renforce la construction identitaire. De même, le toucher joue un rôle dans le développement de l’enfant.
Ils permettent à l’enfant de prendre confiance en son enveloppe, son intégrité corporelle et personnelle, d’apprivoiser son « MOI-PEAU » en quelque sorte.

Ainsi, les enfants appréhendent et apprennent à découvrir le mode par le biais du toucher. Ils touchent, ils caressent, ils « tripotent », ils imprègnent ce contact dans chaque cellule de leurs corps.
Le toucher s’immisce dans les jeux de l’enfant, les mimiques, l’expression des émotions, une main qui rassure, une étreinte qui réconforte, …La peau peut ainsi prendre toutes sortes de formes et de visages.

Le toucher est sécurisant

Le toucher tisse des liens sociaux

Depuis quelques années, le rôle du toucher dit « émotionnel » dans la communication suscite une grande curiosité. Dans cette période du COVID où on devait s’éviter, on a pu mesurer combien il était essentiel. Le toucher est un sens majeur et efficace.

De manière générale, on se serre la main, on s’embrasse. Tendre une main vers l’autre, c’est déjà créer une forme de relation avec l’autre. Le toucher est un besoin vital par un grand nombre de personnes Les êtres humains sont interdépendants les uns des autres.

Cette contribution du toucher à la communication entre les individus débute au niveau gestationnel et s’étend à toutes les relations sociales. L’être humain est un animal social et c’est par le toucher qu’il apprend à ressentir le lien qui l’unit à la communauté qui l’entoure et à se sentir en sécurité.
Au cours de son évolution, les hommes ont développé un mode de vie basé sur le groupe et la communauté. Le but était de se protéger du froid et des ennemis. C’est par ces contacts corporels que se construisent les liens sociaux :

  • Ils sécurisent
  • Ils rapprochent
  • Ils réconfortent
  • Ils stimulent l’envie et le désir
  • Ils dénotent l’attachement à l’autre

Une équipe suédoise de neuroscientifiques a tenté une expérience pour voir à quel point le toucher est impliqué dans la communication et notre émotionnel. Pour ce faire, deux sujets participent. Il leur est demandé d’exprimer différentes informations par le simple toucher du bras de l’autre. Par exemple : « je suis triste », « fais attention », « je m’ennuie », « je t’aime », …

Pendant l’expérience, des électrodes enregistrent tous les mouvements de leurs muscles faciaux afin d’être le plus objectif possible.

Les résultats ont confirmé que dire des choses avec des mots est très différent que de les exprimer avec un geste. Le toucher se montre plus convaincant et moins stressant voire moins agressif. Il se révèle plus efficace pour capter l’attention de l’autre et celle que l’on porte à l’autre. C’est un échange. Il apparaît que les contacts corporels traduisent mieux une émotion qu’un mot.

L’expérience du COVID nous a montré que la distanciation sociale imposée avait un impact sur les émotions et sur les relations. Cela crée des barrières entre les gens confirmant que le toucher est indispensable dans les relations sociales.

Le toucher est confiance

Le toucher est également le sens de la confiance. Pour le prouver, des chercheurs des universités d’Aalto en Finlande et d’Oxford en Angleterre ont associé leurs compétences. Ils ont montré que le toucher crée un lien de nature affective et ce, quel que soit le type de relation.

Certaines expériences menées en psychologie commerciale ont révélé qu’une serveuse qui touche le client reçoit un pourboire plus conséquent qu’une serveuse plus distante. La personne qui touche apparaît comme plus conviviale et plus humaine. Elle inspire davantage de confiance.

De la même façon, qu’une tape amicale ou une bonne poignée de mains de la part d’un médecin qui semble vous dire « ça va aller ».

Le toucher est également au cœur des thérapies de couple où l’on conseille aux conjoints qui traversent une « passe difficile » d’augmenter le nombre de contacts physiques et corporels. Cela crée l’apaisement, rapproche, renoue la confiance et libère la parole.

La peau, un organe à part entière

La peau est un organe du toucher et de la sensibilité. Elle vit, elle respire, elle protège, elle ressent, elle s’exprime, elle élimine, elle absorbe, … la peau est un messager, elle renseigne.

La peau est à double face : un côté tourné vers l’intérieur et un autre dirigé vers le monde extérieur. Autant d’éléments qui renforcent l’impact du toucher et de ses différentes facettes qui permettent à l’individu de se développer et d’entrer en interaction avec le monde extérieur, le monde social, de comprendre les règles et les codes qui le compose.

La peau est le tissu le plus important de notre corps. Elle mesure 2 mètres carrés de superficie. Elle pèse entre 3 et 5 kilogrammes et contient environ 65% d’eau. Son épaisseur varie entre 1 et 3 millimètres et son pH (potentiel d’hydrogène) est compris entre 4,1 et 5,8.

  • La peau remplit différentes fonctions :

Un rôle de barrière cutanée car elle empêche le passage des micro-organismes pathogènes d’entrer dans notre organisme.

Un rôle de régulation de la température qui permet à notre corps de ne pas trop se réchauffer.

Un rôle sensoriel et nous retrouvons sur notre peau énormément de récepteurs qui vont permettre de ressentir notre extérieur.

Un rôle d’élimination des déchets, donc une fonction d’émonctoire comme le foie, l’intestin, les poumons et les reins.

Un rôle métabolique car elle est notamment responsable de la synthèse de la vitamine D.

La peau est en étroite relation avec les autres organes des sens. Pour cela, elle possède différentes particularités anatomiques et physiologiques

  • Au niveau anatomique :

Elle est composée de trois couches que sont l’épiderme, le derme et l’hypoderme. Chacune de ces couches joue un rôle bien particulier.

L’épiderme est la couche la plus superficielle. Il remplit un rôle de protection du corps et limite les pertes en eau. Il est recouvert une flore bactérienne cutanée et est composé de différentes cellules :
• Les kératinocytes (environ 80%) qui permettent le renouvellement cutané
• Les mélanocytes qui participent à la pigmentation de la peau (environ 15%)
• Des cellules sensorielles
• Des cellules du système immunitaires

Le derme constitue l’armature de la peau et assure sa solidité, sa résistance et son élasticité. Il régule la température, il répare et nourrit les autres tissus grâce à la présence de vaisseaux sanguins, de fibres nerveuses sensitives.
C’est au niveau du derme que naissent les glandes sébacées qui sécrètent le sébum. Elles sont en association avec les follicules pileux. On trouve également les glandes sudoripares qui évacuent l’excès de chaleur via la sueur.

L’hypoderme est la couche la plus profonde. Elle est située sous le derme et contient des vaisseaux sanguins et des nerfs. Il a un rôle de protecteur thermique, morphologique car il dessine la silhouette, et esthétique car il sert au stockage des graisses.

Anatomie de la peau

  • Au niveau sensoriel :

La peau est le principal site d’interaction de l’organisme avec son environnement. Cela sous-entend qu’elle reçoit et transmet toute une variété de simili de nature chimique, microbiologique (virus, bactéries, champignons), traumatique (coups, blessures), physique (thermique, électrique, mécanique, rayonnement UV) et inflammatoire.

Les stimulations cutanées viennent de la stimulation de récepteurs logés juste sous la peau mais également en profondeur (bouche, vagin, anus, muscles, tendons, articulations). Notre sensibilité dépend de la densité de ces récepteurs du toucher. De même, elle varie en fonction des régions du corps. Ils sont surtout concentrés dans des régions comme la pointe de la langue, les lèvres, le bout des doigts.
Concrètement, cette particularité a permis à Louis Braille d’inventer le système alphabétique pour les non-voyants. La capacité à lire le Braille n’est possible que par l’extrême finesse de la sensibilité du bout des doigts. La pulpe des doigts contient environ 200 points sensitifs au mètre carré contre 100 pour la paume de la main, vingt-cinq pour le poignet et seulement cinq pour la jambe.

Les stimulations cutanées

Les sensations tactiles

Les sensations tactiles que nous pouvons ressentir sont de différentes natures : tact, pression, vibration, chatouillement et démangeaison, douleur, etc …. Elles sont provoquées par l’activation de ces récepteurs de la peau. On distingue différents types de récepteurs tactiles cutanés. Voici les principaux.

Des récepteurs à adaptation rapide avec :

  • Les corpuscules de Meisner : récepteurs du toucher situés dans le derme ou dans la peau dite « glabre » qui est en contact avec les objets que l’on manipule et avec les surfaces sur lesquelles on marche, que l’on observe essentiellement dans les mains et les pieds mais également dans le bout des doigts, les paupières, la pointe de la langue, les lèvres, les mamelons, le clitoris et le gland du pénis.
  • Les corpuscules de Pacini sont sensibles aux vibrations et fournissent des informations sur la nature des mouvements. Ils sont situés dans le derme.
  • Des récepteurs neuromusculaires sensibles à l’étirement du muscle.

Des récepteurs à adaptation lente avec :

  • Les disques de Merkel sont localisés au niveau du bout des doigts, des mains, de la pointe de langue et des organes génitaux externes. Ils réagissent à un contact en continu pendant un certain temps. Exemple : tenir un objet.
  • Les corpuscules de Ruffini, situés essentiellement dans le derme, sont sensibles à l’étirement de la peau. Exemple : si on tire la peau pour la tendre.

On note d’autres récepteurs situés dans les tendons, les articulations ou dans les viscères.


Au niveau hormonal
:

Les contacts corporels agissent directement sur notre cerveau. Ils aident l’individu à prendre conscience de lui-même.

Le circuit sensitif est toujours le même quel que soit le stimulus. Par exemple, chez les enfants, les contacts physiques déclenchent d’importants processus du développement. Ils stimulent la croissance.

Sous l’effet des caresses, des millions de récepteurs de notre peau convertissent les sensations tactiles en signaux électriques. Ces derniers parviennent au niveau du cerveau via un réseau dense de fibres nerveuses. L’information arrive sous forme de message électrique dans les cellules nerveuses spécialisées. Elle déclenche alors la libération de molécules dite de « signalisation ». Ces dernières activent soit des mécanismes cellulaires précis soit d’autres régions du corps en passant par la voie sanguine.

Ainsi, une stimulation tactile induit une réaction dans tout l’organisme et cela s’applique à tous : bébés, enfants, adolescents, adultes et seniors. Les effets observés sont parfaitement identifiables.

C’est le travail qu’a réalisé Martin Grunwald à l’université de Leipzig. Il enregistre les ondes cérébrales avant et après un massage.

Le toucher, un antistress naturel

Lorsqu’une caresse est agréable, on a envie qu’elle se reproduise. Le système de récompense est activé.
On observe un ralentissement des ondes cérébrales qui correspond à un état de détente comme si la personne était dans un profond sommeil Le cerveau réagit aux massages en diminuant son activité et en libérant tout un cocktail de substances de nature hormonale. Ces hormones vont varier en fonction du contact.

L’une d’entre elles est l’ocytocine, encore appelée l’hormone du lien. Elle agit sur le système limbique, centre nerveux émotionnel. C’est une hormone très bénéfique qui apaise, réduit le stress et l’anxiété, engendre un sentiment de satisfaction, favorise le sentiment d’intimité et de proximité, stimule la croissance, dope le système immunitaire, augmente les capacités d’apprentissage, soude les relations et renforce le sentiment d’appartenance. Cela peut expliquer pourquoi un câlin a plus d’impact que certains mots. A contrario, l’excès de cortisol généré par un état de stress chronique peut impacter l’ocytocine et avoir de nombreux effets délétères sur l’organisme.

L’ocytocine joue un rôle essentiel dans notre relation aux autres. Des expériences menées sur les singes démontrent son implication dans le développement et la construction de relations durables et ce, quelle que soit la nature du lien (familial, amical ou sexuel). Elle renforce le lien de confiance et de coopération au sein d’un groupe social.

D’autres neurotransmetteurs comme la dopamine, la sérotonine ou les endorphines sont également libérées entraînant la chute de marqueurs du stress (chute du cortisol, de la fréquence cardiaque et de la pression sanguine). Il en résultera un état de détente profonde, la fréquence cardiaque va diminuer et la respiration va ralentir. La personne va lâcher prise.

Le toucher un antistress naturel

Le toucher, un anti-douleur remarquable

Ce n’est que très récemment, que les neurophysiologistes ont compris comment notre corps traite les signaux du toucher. En fait, notre système nerveux va recevoir, enregistrer et analyser les contacts avec l’environnement mais également la qualité émotionnelle de ce contact. Pour ce faire, l’organisme va utiliser des fibres nerveuses particulières, les fibres CT qui indiquent au cerveau si le contact corporel est agréable ou non.
De même, quand une personne se blesse, elle a le réflexe de se frotter pour atténuer la douleur. La caresse provoque une forte libération d’une hormone, la sérotonine, qui provoque cet effet « antidouleur ».

Le toucher décline avec l’âge

Le toucher, comme tout sens, peut décliner avec l’âge ou en fonction d’une pathologie chronique. C’est le cas du diabète de type 2 dont les complications peuvent être à l’origine d’une neurodégénérescence ou de neuropathies périphériques.
La densité des récepteurs sensoriels au niveau des pieds et des mains diminue de moitié après la cinquantaine. En revanche, au-dessous d’un certain seuil, la perte de la sensibilité sera à l’origine d’un déficit du comportement moteur et se traduira par des chutes ou le fait de laisser tomber un objet.

Conclusion et perspectives

Il ne fait plus de doutes que les contacts corporels contribuent à notre équilibre physique et émotionnel. Les massages procurent de nombreux bienfaits : sentiment d’appartenance, de consolation, de relaxation, de réconfort et sont sources d’apaisement corporel et émotionnel.
Actuellement de nombreuses équipes de scientifiques explorent le domaine du toucher. Parmi toutes les recherches en cours, certaines d’entre elles ont un objectif précis :

  • Donner des pistes d’amélioration de la prise en charge des prématurés pour limiter les troubles liés à une hypostimulation du système tactile plaisants dès les premiers jours de la vie.
  • Comprendre le système de perception tactile des personnes souffrant d’un trouble du spectre autistique afin d’améliorer leur accompagnement.
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